You give me fever

Il faut que je me dépêche. Je ne suis pas en retard - pas encore - mais si je continue à hésiter entre deux chemises, je vais finir par l'être ! Et j'hésite, pourtant, entre les deux morceaux de tissu proprement étendus sur des cintres devant moi. J'aime à croire que c'est parce que je vais devoir convaincre un videur particulièrement exigeant de me laisser entrer dans le club très select. Mais je ne peux pas réellement croire à mes propres mensonges. Enfin... Pas réellement des mensonges. Disons que j'essaie surtout de me convaincre que c'est le videur qu'il faut que j'impressionne, alors que je sais pertinemment que le gars me laissera passer. Ça ne sera pas la première fois que j'irai dans ce club et dans l'ensemble, les Sidhes peuvent entrer où ils veulent du moment qu'ils se comportent correctement. Or, je me comporte très correctement à chaque fois, alimentant même avec un certain enthousiasme les finances de la boite et les fins de mois de danseuses.
Non, celle que je dois impressionner, c'est Trixie, pour la bonne et simple raison que la dernière fois qu'on s'est retrouvé dans le même nightclub, je me suis à moitié ridiculisé et j'aimerais autant, si possible, retrouver un semblant de ma dignité !
Je finis par opter pour une chemise rouge sombre qui, je le sais, met en valeur mon apparence glamourienne et qui va très bien avec le jean brut que j'ai choisi il y a déjà plus d'un quart d'heure. Une fois la décision prise, tout va beaucoup plus vite et en un rien de temps, j'arrive au club sur le port. La foule est dense et je me demande un instant comment je vais réussir à trouver celle avec qui j'ai rendez-vous. Sauf que bien sûr, comptez sur Trixie pour être capable de se faire remarquer où qu'elle soit. La rouquine est juste à côté du videur, adossée au mur comme si les lieux lui appartenaient et je ne peux pas m'empêcher de lâcher un petit rire. Je ne serais même pas surpris d'apprendre qu'elle possède la moitié de cet endroit ! Un signe de sa main m'indique qu'elle m'a repéré et je la rejoins rapidement. J'hésite à lui coller un bisou sonore sur la joue, rien que pour l'embêter, mais je préfère adresser un petit signe de tête au videur, histoire de le remercier de me laisser passer devant tout le monde. Je voudrais pas me le mettre à dos pour les prochaines fois. Le type est encore plus imposant que Keagan ! Et même s'il ne me fait pas peur, il pourrait très clairement me bloquer le passage alors bon...

Dès qu'on est à l'intérieur, je suis aveuglé par les lumières dansantes et je cligne des yeux un instant pour laisser à mes pupilles le temps de s'adapter. Et c'est là que je me rends compte qu'il y a un problème.

- C'est quoi ce bordel ?

Je chuchote. Pile au moment que Trixie choisit pour me remercier d'avoir choisi ce jour là plutôt qu'un autre. Sauf que j'ai rien choisi du tout ! Je me suis planté comme un idiot ! Avec tout ce qui m'arrive en ce moment, tous les changements qui se produisent dans ma vie, toutes les rencontres et retrouvailles inattendues, je suis un peu paumé. Et quand hier, j'ai proposé à Trixie qu'on se retrouve au Fever le lendemain, je n'ai absolument pas pensé à me demander quel jour on serait.
Un jour de Chippendales !
Mais quel âne !

Et l'autre qui se marre et se fiche de moi !
Heureusement, je sais que je suis canon dans ma tenue parce qu'au moins, je n'ai honte que de ma stupidité !

- Te marre pas, toi ! J'ai mal calculé ! Et tu sais pertinemment que ça ne me gêne pas, ces mecs à poil !

Oui non... C'est pas ce que je voulais dire !

- Parce que j'ai l'habitude que même les mecs se jettent sur moi, tu sais bien, tu y assistes souvent !

Ce qui n'est probablement pas ce qu'il faut que je dise pour que Trixie arrête de rire. J'arrête donc de parler et l'attrape par le coude pour l'entrainer vers un table assez près de la scène parce que c'est hors de question que je me laisse intimider par tous ces merveilleux spécimens feys. Et pour ça, va falloir que je picole et pas qu'un peu !

- Elle est où la serveuse ?!

Et évidemment, c'est là qu'un type à moitié à poil débarque, plateau en main, pour prendre notre commande... J'aurais du m'en douter ! Trixie n'a pas fini de se rincer l'oeil et moi, de me sentir comme un con !

You give me fever

Liam s’était trompé. Elle ne parvenait pas à la croire. Il s’était trompé et l’avait invité le jour des chippendales au lieu des danseuses exotiques. C’était si risible qu’elle ne parvenait pas à s’arrêter de rire quand bien même elle ne voulait pas rajouter de l’huile sur le feu. Il devait se sentir suffisamment mal sans qu’elle se moque de lui mais elle ne pouvait s’arrêter. Et plus elle essayait de se calmer plus Liam semblait lui tendre le bâton pour se faire battre.

« Tiens donc, cela ne te gêne vraiment pas de voir tous ces ravissants éphèbes se trémoussant sous tes yeux ? Vas donc leur mettre un billet dans leur slip alors ! » rétorqua-t-elle aussitôt quand Liam affirma que les « mecs à poil » ne le dérangeaient pas.

Et ajoutant de l’eau à son moulin de grands délires, il prétendit qu’il avait l’habitude que les hommes se jettent sur lui et qu’elle en serait même le témoin.

« Mmmmh c’est bizarre... » dit-elle en faisant mine de réfléchir. « Je ne crois pas me souvenir d’avoir un jour assisté à un tel spectacle. Des hommes se jetant sur toi, c’est une chose que l’on ne peut oublier facilement. »

Trixie se délectait de la mine furibonde de Liam qui l’entraînait vers une table. Il se retourna en réclamant une serveuse et ses souhaits furent exaucés. Enfin pas tout à fait puisque soirée chippendale oblige, les serveuses étaient des serveurs.  

« Là voilà ta serveuse. Charmante à souhait. Un délice pour les yeux. » répondit-elle en laissant volontairement son regard se promener en toute impunité le long des formes et des courbes du serveur.

« Surprenez moi, apportez moi votre cocktail le plus étonnant. Mais évitez le citron vert. »

Puis lorsque le serveur fut parti, elle pinça ses lèvres mais finalement elle ne put se retenir de rire.

« Pardon vraiment je t’assures que je voudrais arrêter de rire mais je n’y parviens pas, c’est trop comique. Non attends je vais faire un effort, je vais me concentrer sur autre chose. Tu… tu as une très jolie chemise. Voilà c’est un bon début. »

Une très jolie chemise qu’elle aimerait bien déboutonner… NON STOP ! Elle n’allait pas se laisser entraîner sur ce chemin glissant de l’effet charnel que possédait Liam sur elle. Non... Non. NON. Mais il était si adorable avec cette moue boudeuse qu’elle aurait bien envie de poser ses lèvres sur les siennes.

« OUH la boisson ! Quelles jolies couleurs. »

Sauvée par l’arrivée du serveur. Trixie porta le verre à ses lèvres pour calmer ses ardeurs. Elle était toute émoustillée. Son excitation était certainement dû à la vue de tous ces hommes à peine vêtus et peut-être aussi au fait qu’elle voyait Liam plus souvent. Autrefois leurs entrevues étaient brèves, elle pouvait facilement passer à autre chose, se remettre rapidement en selle comme on disait et ne plus penser à son visage, à son corps, à son charmant sourire qui la faisait fondre à chaque fois. Vite une autre gorgée. Du calme. Il y avait plein de beaux spécimens qui pouvaient attirer son attention, Liam n’était le seul fey désirable dans les environs. Nerveusement elle lissa les pans de sa robe en tulle noire très vaporeuse et très courte. Elle avait imaginer avec plaisir la tête des autres quand elle arriverait dans cette tenue qui avait déjà fait plusieurs fois ses preuves. Et elle avait surtout pensé à la tête de Liam mais ça elle ne devrait pas se l’avouer aussi facilement. L’alcool devait y être pour quelque chose. Devait-elle mieux finir son verre au lieu de laisser son esprit vagabonder sur le corps de Liam ou arrêter de s’échauffer l’esprit avec un boisson aussi forte ? Mystère.

« Ecoute on était venu pour passer un bon moment mais si ça ne va pas, ça me convient très bien, on peut sortir dehors, allez faire un tour dans les environs. »

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Elle se moque la vilaine ! Elle rit, elle se gausse de ma déconfiture ! Quelle sale petite peste je vous jure ! Quelqu'un peut me rappeler pourquoi je la considère comme une amie ? Pourquoi je l'adore ? Pourquoi je continue, encore et toujours, à sortir avec elle alors que ça finit systématiquement de la même façon ? Elle qui se marre et moi qui grogne et pleure sur les reste piétinés de ma dignité ! Et elle en rajoute une couche, la garce, en lorgnant sans scrupule le corps ridiculement sculpté du serveur bien trop viril qui vient prendre notre commande ! Ben vas-y, te gêne pas surtout, rappelle moi bien que ma nature de Sidhe me condamne à avoir une silhouette svelte et longiligne, sans rien à voir avec le corps gonflé de cet âne en slip !

- Ce que vous avez de plus fort, pour moi, merci.

Clairement, ma demande est moins polie que celle de Trixie, et beaucoup moins souriante ou charmeuse. Je vais pas faire de l’œil à ce Tarzan en slip ! Je suis au dessus de ça, moi ! Je bave pas sur les serveurs, moi ! Hypocrite moi ? Oh que oui... Je plaide coupable, à 200%... Mais je n'ai même pas honte parce que hein ? Elle se marre toujours l'autre et j'ai presque envie de partir pour la planter là, toute seule avec ces beaux gosses !
Mais elle essaie... En tous cas, elle essaie d'essayer, ce qui est déjà un bon début, surtout pour elle. C'est presque dans sa nature de se moquer des autres ! Je veux dire... La moquerie coule dans ses veines ! Elle est toujours en train de ricaner des malheurs des autres ! Ou alors c'est juste avec moi... C'est possible, en fait... Parce que je ne me ridiculise jamais autant qu'en sa présence, comme si elle était mon chat noir, mon numéro 13, mon échelle sous laquelle passer ! Mon petit porte-malheur personnifié !
C'en est presque à se demander à quoi joue Danu ! Pourquoi est-ce que je suis aussi idiot, crétin et maladroit quand elle est dans les parages ? Aucune idée ! Et pourquoi je m'obstine à chercher sa compagnie dans ces circonstances désastreuses ? Aucune idée non plus ! Quoique... Peut-être - et je dis bien peut-être ! - que j'aime bien la voir rire. Et que je suis pas si vexé que ça, quand elle se moque de moi. Et puis elle est jolie aussi. Et on s'ennuie jamais avec elle.

Bref...

Je souffle un pauvre "Merci" quand elle commente mon choix de chemise et je me félicite d'avoir opté pour celle-là, du coup. Même si je me demande si elle a dit ça juste pour me faire plaisir parce qu'elle fait une tête bizarre. Avant de se ruer avec un enthousiasme douteux sur le verre que vient d'amener le serveur. Je la regarde un peu de travers avant de tremper mes lèvres dans le mien. Wow... Je tousse un peu. C'est costaud cette saloperie ! Je m'attendais pas à ce que "le plus fort" soit aussi fort que ça ! Quand on sait que ça ne me rendra même pas ivre, je ne suis pas certain d'avoir fait un choix judicieux ! Parce que c'est pas très bon, ce truc...
Mon attention se détourne de ce cocktail infâme quand Trixie reprend, sur un ton beaucoup plus sérieux qui m'étonne un peu et qui me dérange presque. J'aime pas trop qu'elle me parle sérieusement, c'est bizarre.

- Ne t'inquiète pas pour moi. Et voyons les choses du bon côté, je vais peut-être apprendre quelques astuces ! Une façon de marcher, de danser, n'importe quoi qui me permettrait d'attirer un peu plus de papillons de nuit ! Comme ça, à notre prochaine sortie drague, je ne me ridiculiserai pas autant que la dernière fois !

En réalité, la dernière fois a été dramatique parce que c'est un homme qui est tombé dans mes filets, au lieu d'une femme, mais ça ne change rien à mon problème ! Je ne parviens jamais à battre Trixie à ce petit jeu de la séduction ! A croire que je me trompe sur mon sex-appeal depuis toujours !

- Rends-toi utile d'ailleurs, dis moi lequel de ses ridicules play-boys est le plus sexy. Il faut que je m'inspire du quel ?

Je me penche vers elle, m'inclinant selon un angle un peu idiot et je la regarde presque par en dessous, l'arrière de mon crâne sur son épaule nue. Elle sent bon cette casse-pieds...

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« Ne t'inquiète pas pour moi. Et voyons les choses du bon côté, je vais peut-être apprendre quelques astuces ! Une façon de marcher, de danser, n'importe quoi qui me permettrait d'attirer un peu plus de papillons de nuit ! Comme ça, à notre prochaine sortie drague, je ne me ridiculiserai pas autant que la dernière fois ! Rends-toi utile d'ailleurs, dis moi lequel de ses ridicules play-boys est le plus sexy. Il faut que je m'inspire du quel ? »

Liam pencha sa tête jusqu’à toucher l’épaule de Trixie et sans le bombardement auditif permanent des enceintes il entendrait certainement le cœur de la demi-fey marteler comme un forgeron fou dans sa poitrine. Il avait peut-être la politesse et la décence de ne rien mentionner.

« Non tu es très bien comme tu es. » s’entendit-elle répondre.

MAIS ARRETE DE PARLER BON SANG ! hurla-t-elle intérieurement. Trixie se demanda aussitôt comment elle allait pouvoir justifier cette phrase puisque les feys ne peuvent pas mentir.

« Je n’aime pas perdre, si tu t’améliores, je risque de perdre. »

Voilà qui devrait rattraper la situation. Mais puisqu’il ne fallait pas courir le risque qu’il comprenne qu’elle l’apprécie un peu plus qu’elle le laissait entendre, elle devait encore brouiller les pistes. Elle vida son verre d’une traite avant de tendre la main vers le verre de Liam.

« Ne finis-tu donc pas ton verre ? Je le prend alors. »

Elle le vida d’une traite également tandis qu’une voix dans sa tête tonitruait « CUL SEC ! ». Mais c’était une mauvaise idée, une très mauvaise idée. Sa tête commença à tourner et elle fut prise d’une irrémédiable envie de rendre ses tripes. Trixie se fit la promesse intérieure solennelle de ne plus jamais au grand jamais boire dans la même minute son verre multicolore et le cocktail le plus fort en alcool du club. Plus jamais. Surtout qu’il y avait du citron vert dans le dernier et qu’elle ne supportait pas cela. De l’air. Il lui fallait de l’air. Et un endroit discret pour libérer ses boyaux.  

« Je déteste le citron vert. » dit-elle alors qu’elle était persuadée que la première chose qui sortirait de sa bouche si elle l’ouvrait serait coloré et assaisonné au citron vert.

La rouquine se leva et marcha à vive allure tout en essayant de conserver sa dignité pour finalement se jeter sur la porte d’entrée de service. Elle n’avait jamais été aussi heureuse de trouver une poubelle. Cela faisait deux fois dans la même semaine qu’elle vomissait et il lui semblait avoir lu quelque part que c’était mauvais pour les cordes vocales. Enfin elle ne se destinait pas à une carrière de chanteuse lyrique non plus même si elle appréciait de pousser la chansonnette quelques fois donc elle ne devrait pas trop s’en faire pour ce détail.  Elle releva la tête, faisant voltiger ses mèches enflammées par la même occasion et inspira profondément. L’air frais calma rapidement son mal de crâne naissant.

Mais hélas ce très bref instant de bonheur fut gâché par une voix qu’elle n’appréciait pas.

« Godefroy tiens donc, quelle désagréable surprise de te voir traîner par ici. » dit-elle à l’intention du minable dealer qui se trouvait dans la ruelle.

Les deux feys s’étaient déjà croisés il y avait bien longtemps de cela, en France. Un voyou de bas étage qui voulait jouer dans la cour des grands. Elle lui avait réglé son compte plus d’une fois à ce crétin, mais non sans mal car il était bigrement fort l’animal. Mais ces deux là, lorsqu’ils se croisaient, ne pouvaient s’empêcher de faire des étincelles. Il existe certaines antipathies puissantes qui n’ont que faire de la raison.

« Tu cherches la bagarre Trixie ? »

« Quel vivacité d’esprit. Quand je vois un sombre imbécile comme toi, je suis dans l’obligation de lui faire la tête au carré. »

« Me parle pas comme ça ou j’te… »

« Mais tu parles encore ! Approche que je te mette mon poing dans ta sale face ! » cria-t-elle avant de tourner sa tête vers la porte qui venait de s’ouvrir. « Ho Liam très cher accorde moi quelques instants pour flanquer une raclée à ce cloporte…qui est venu accompagné, voilà qui est fort stimulant. Cela fait trop longtemps que je n’ai pas cassé des dents, la fée des dents va être contente. »

En effet deux comparses venaient de se positionner aux côtés de Godefroy. Trixie ôta rapidement ses chaussures avant de courir droit vers Godefroy pour lui asséner un superbe coup de poing. Même quand elle se battait, elle était magnifique.

You give me fever

Je m'attendais un peu à ce qu'elle se fiche de moi, qu'elle m'envoie bouler ou qu'elle profite de l'occasion pour me ridiculiser un peu plus. Qu'elle se lance immédiatement dans un grand discours concernant tel ou tel éphèbe qui se trémousse devant nous en m'expliquant pourquoi il est tellement mieux que moi. Et je ne l'aurais pas pris mal parce que ça fait parti de cette relation bizarre qu'on a, elle et moi. Ses taquineries piquent souvent assez fort, mais je ne changerais ça pour rien au monde.
Pourtant, elle me surprend en m'annonçant qu'elle ne me changerait. A peine le temps de hausser un sourcil que déjà, elle enchaine et sa raison me pousse à lâcher un ricanement.

- Je me disais aussi...

Elle me fait rire, mais dans un sens, ça me pince aussi un peu le coeur et je préfère ne pas trop m'attarder sur ces émotions, préférant me moquer d'elle à mon tour quand elle s'étrangle sur mon cocktail trop fort. Ah ! Je savais que c'était de l'essence ce truc ! Sauf qu'il faut croire que c'est encore pire pour elle - pour je ne sais quelle raison - et elle se lève comme une furie en pestant sur le citron vert. Marrant parce que le citron vert, c'est peut-être la seule chose que j'aimais dans ce cocktail ! Comme quoi, on est vraiment diamétralement opposés, elle et moi ! Sauf pour ce qui est de faire la fête, bien sûr, et encore, même là on se débrouille pour ne pas s'entendre la moitié du temps ! A se demander pourquoi j'aime tant passer du temps avec elle...
Bref, je la laisse s'enfuir mais me lève derrière elle pour la suivre, sans réelle raison. Parce que ça n'a pas d'intérêt d'être là sans elle, peut-être. Ou pas parce que normalement, je n'ai aucun problème à picoler tout seul...
Je la suis donc, un peu à distance. Et comme un gros pervers, j'entrouvre la porte de service, juste pour être sûr qu'elle est toujours dans la ruelle, qu'elle n'a pas fait de malaise ou je ne sais quoi. Apparemment, elle gère vraiment mal le citron vert, mais c'est pas ce qui m'inquiète le plus. Non, ce qui ne m'emballe pas des masses, c'est la silhouette dans l'ombre que, manifestement, elle connait plutôt bien. Elle le connait assez bien, en tous cas, pour l'envoyer paitre avec tout son talent et j'en serais presque jaloux. Presque seulement, parce que bon... Moi au moins, j'ai le droit à des taquineries, pas à des insultes ! Je souris, planqué derrière ma porte, et plutôt fier de la compter parmi mes... amis. Jusqu'à ce que ça semble près de dégénérer et là, j'ouvre plus grand la porte parce que je n'ai pas l'intention de la laisser se démerder seule avec cet hurluberlu mal élevé et menaçant. D'autant plus qu'il est rapidement rejoint par deux autres types pas sympathiques. Mais ça a pas l'air de l'inquiéter, la demoiselle. Je souris largement quand elle enlève ses chaussures. J'aime les femmes pragmatiques.
Enfin "j'aime"... Hein ? Bon.
Bref.

- Oh, jolie droite !

J'applaudis parce que mes aïeux, quel coup de poing ! Et quelle agilité ! Voilà une part de Trixie que je n'avais encore jamais vue et qui, soyons honnête, me plait plutôt très beaucoup. Par Danu, comme si j'avais besoin de ça en plus... Ça suffit maintenant ! Heureusement pour moi, mon exclamation admirative a attiré sur moi l'attention d'un des bagarreurs et je suis bien obligé d'arrêter de penser à la silhouette en action de Trixie - qui ne me rappelle pas du tout un autre moment où je l'ai vue en action - pour me défendre.
Malheureusement, en revanche, on ne peut pas dire que les trois hommes soient de grands combattants et du coup, me débarrasser de mon assaillant ne me demande pas un effort surhumain. Juste assez pour que ce soit amusant, disons, parce que j'adore découvrir des choses nouvelles et casser des dents aux côtés de Trixie, c'est neuf et c'est franchement sympa ! Même si ça éveille en moi des émotions que je préférerais étouffer...

Je la laisse se dépatouiller avec les deux autres parce que c'est un spectacle agréable à regarder et m'assois sur la marche devant la porte, les genoux pliés devant moi, les coudes croisés dessus.

- Tu me dis, hein, si t'as besoin que je vienne sauver ton joli derrière !

Je braille un peu pour qu'elle puisse m'entendre par dessus les bruits mous des poings contre la chair, puis m'installe tranquillement. Parce que je suis fatiguer, pas pour profiter de la vue. Non non, pas du tout. Est-ce que je lui dis que sa robe s'est fendue vraiment très haut et que ça en deviendrait presque indécent ? Non... C'est pas comme si j'avais pas déjà tout vu, de toute façon, hein ? Juste une fois et c'est bien dommage, mais c'est un autre débat.

You give me fever

Par Danu, je m'attendais pas à ça... Oh, je ne peux pas vraiment dire que je suis surpris de voir que Trixie sait se servir de ses poings - et de ses genoux, de ses pies, de sa tête et de ses coudes - parce que bon, j'ai moi-même pu constater que son corps, elle le maitrisait plutôt très bien, mais quand même. C'est différent de l'imaginer remettre un mufle à sa place et de la regarder casser la gueule à trois brutes épaisses ! Donc oui, je suis surpris sans vraiment l'être et c'est assez étrange, comme sensation. Mais dans un sens, quand est-ce que Trixie ne m'a pas surpris ? Jamais, voilà. Avec cette fille, chaque seconde vous tombe sur le coin de la figure comme un évènement inattendu. Est-ce que ça me plait ? Oh que oui ! Autant que ça me tape sur le système mais personne ne m'a jamais demandé d'être cohérent, hein ?
Bref, alors que je la regarde en souriant et en pensant à des trucs auxquels je ferais mieux de pas penser, elle finit d'assommer celui qui semblait être le chef de la petite bande.
J'applaudis sans bruit et acquiesce pour montrer mes félicitations quand elle se tourne vers moi, pour finalement sourire largement quand elle évoque son derrière - que j'ai moi-même évoqué plus tôt, mais inutile de le rappeler.

- Rapide pour me battre, c'est vrai. Mais tu sais aussi bien que moi que je ne suis pas trop rapide pour tout, n'est-ce pas ?

Et je lui lance un clin d'oeil bien lourdingue tandis que les souvenirs de notre nuit ensemble me reviennent en flashs brulants. Certes, il y a eu quelques moments un peu précipités, au démarrage, mais passé les premiers instants de désir urgent, j'ai plutôt souvenir qu'on a pris tout le temps pour savourer...
Enfin bref !
J'agite la tête pour revenir à l'instant présent, dans cette ruelle un peu miteuse désormais décorée de quelques fleurs de sang et de corps évanouis. Et d'une flaque de vomi quand le dernier assommé se réveille juste assez pour vider son estomac.

- Charmant...

Je lui adresse un regard méprisant et dégouté avant de reporter mon attention sur Trixie qui est, manifestement, déjà passée à autre chose.

- Ok pour un verre de plus ! Je serais très curieux de savoir où tu as appris à te battre.

Vu son style désordonné et pas des masses conventionnel, je doute qu'elle ait appris dans les règles de l'art et c'est encore plus mystérieux. Et sexy mais ça... Bref.

- Par contre, j'ai le regret de te dire qu'on voit ton cul... Et certes, il est très agréable à regarder mais est-ce que tu veux vraiment que tout le monde en profite ? Alors soit on passe chez toi pour que tu te changes, soit on prend ce verre dans un coin moins bondé. Chez toi, chez moi, ailleurs... C'est toi qui voit, c'est tes fesses qui sont à l'air !

Et franchement, j'aimerais autant qu'on retourne pas dans ce club plein de types à poil qui me font de la concurrence !

You give me fever

Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'a pas l'air très chagrinée de montrer ses atouts à tout le monde. Il faut dire que de tous les Feys que je connaisse, Trixie ne compte pas parmi les plus inhibés ! Alors non, elle ne se promène pas toute la journée à moitié à poil, mais elle a clairement conscience de ses qualités anatomiques et ne voit pas d'inconvénient à les promener sous le nez de qui le mérite. Enfin, de qui elle en juge digne quoi. Ou de quiconque à qui elle en donne l'autorisation. Parce que sans son consentement, c'est certainement pas très sain d'aller essayer de regarder tout ça de plus près ! Je dis ça, je dis rien, mais bon. Je viens de la voir casser le nez de trois types sans même transpirer et avec pour seule conséquence pour elle d'avoir ruiné sa robe. Autant dire que non, je n'irai pas essayer de la tripoter un jour où je la sens mal lunée.
Enfin bref ! Elle est là donc, sa peau pâle presque luisante dans la lumière des éclairages nocturnes, et elle n'a pas du tout l'air d'en avoir quelque chose à foutre ! Au contraire, elle ricane, très fière de son combat, le regard brillant de joie et manifestement amusée par ce que je dis et c'est tant mieux ! Au moins, si elle se marre, c'est qu'elle ne se rend pas vraiment compte que mes propres propos me mettent dans une situation inconfortable !

- Mais je peux être très très gentil si je veux. Si tu es très sage. Ou pas sage du tout, ça dépend !

Et il est grand temps que je ferme ma bouche parce que cette discussion prend une tournure qu'elle ne devrait pas prendre ! Pas alors que je pense en grande partie ce que je dis ! Si je me contentais de flirter sans conséquence et sans arrière-pensée, je dis pas, mais il se trouve que depuis quelque temps, chaque rencontre avec Trixie réveille des émotions que j'avais enfouies loin, très très loin. Est-ce que c'est cette île ? Le confinement ? Le fait qu'on soit si peu sur Ellan Vannin ? Ou la maturité ? Une envie de stabilité ? De confiance ? J'en sais rien, mais il est clair que Trixie me fait un effet qu'elle ne me faisait pas avant. Ou alors je ne m'en étais pas rendu compte plus tôt, ce qui est aussi très possible... Il faut dire que ces derniers mois n'ont pas été de tout repos pour moi... Peut-être que les sentiments perturbés par ma famille m'ont ouvert les yeux dans d'autres domaines de ma vie.

Du coup, quand elle se vante que la moitié de l'île l'a déjà vue dans une tenue pas recommandable, je vois rouge. Je serre les dents et prends une grande inspiration avant de me rappeler que je n'ai absolument pas le droit d'être jaloux. D'abord parce qu'elle et moi, on n'est pas engagé dans ce genre de relation et parce que bon... je ne suis pas resté chaste non plus ! Mais ça n'empêche pas que j'ai envie de cogner sur tous ceux dont elle parle.

- Chez moi, alors.

Et mon ton est bien moins taquin que ce qu'il était quelques secondes plus tôt. Je me racle la gorge et tente un sourire avant de me relever et de commencer à marcher, pour sortir de Douglas. L'air frais et humide de la nuit me fait du bien, m'aère l'esprit et calme un peu la chaleur contrariée dans mes veines. Après quelques minutes, je me sens mieux. Je ne peux pas dire que mes émotions sont sous contrôle mais je me sens capable de prendre simplement un verre avec Trixie, sans avoir de mordre la moitié de la Faërie, et en écoutant simplement ce qu'elle pourrait vouloir me raconter de son passé.
D'ailleurs, en parlant de trucs qu'il aurait peut-être fallu dire...

- Au fait, j'ai déménagé récemment... J'espère que ça ne posera pas de problème.

Oui parce que bon... Les terres Balor, c'est pas vraiment là que j'habitais la dernière fois que j'ai vu Trixie. Et j'espère sincèrement que mon changement d'allégeance ne changera rien entre nous. Je veux bien que les choses changent, entre elle et moi, même si je ne sais pas trop comment. Mais à choisir, j'aimerais que ce soit en mieux ! Pas qu'elle se décide à me détester parce que je suis devenu Unseelie...

- Bienvenue dans mon nouveau chez-moi ! Fais comme chez toi. Tu veux que je te prête une chemise, un short, un truc ?

C'est que ça déconcentre, quand même, toute cette peau exposée. Or, on a dit qu'on allait parler ! Qu'elle me couvre tout ça bon sang !

Spoiler:

You give me fever

Plus Liam faisait des blagues salaces et plus Trixie riait. Cela l’amusait de l’entendre faire des allusions coquines, on ne pouvait pas dire que c’était son genre et le voir sortir des sentiers battus était plutôt grisant.

« Je ne suis jamais sage. » répondit-elle avec un sourire.

Elle était une véritable chipie et si on ne lui disait que trop rarement c’était tout simplement grâce à son adorable frimousse. Sa charmante bouille lui avait permis de se sortir de situations très délicates. On pardonnait trop facilement à un joli minois. Liam l’emmenait chez elle et cela sonnait bizarrement, comme un rencard ou alors pas du tout comme un rencard.

Du coup Trixie hésitait à prendre le bras de Liam tandis qu’ils se dirigeaient chez lui. Plongée dans son hésitation « Est-ce que je lui prends le bras ou est-ce que je ne lui prends pas ? », elle ne se rendit même pas compte qu’elle ne se trouvait pas où elle s’attendait. Elle leva un sourcil interrogatif en s’apercevant qu’elle n’était pas dans le territoire seelie mais dans le camaïeu de noir, blanc et gris adoré des unseelies.

« Effectivement il y a un changement de décor.» répondit-elle en apprenant que Liam avait déménagé.

Trixie se fichait bien des conflits seelies contre unseelies mais il lui semblait d'après un lointain souvenir qu'un changement d'allégeance n'était pas possible. Enfin comme dit plus haut elle s'en contrefichait et il pouvait même prêter allégeance au roi des limaces cela ne modifierait pas son opinion sur lui. Quoique le roi des limaces quand même...

« Dis-moi, est-ce que tu savais que tu étais beau ? » déclama-t-elle avec un accent sulfureux dans la voix et avec une pose langoureuse avant d'ajouter rapidement.« Avec cette chemise. » « Et avec n'importe quelle chemise et surtout sans. » pensa-t-elle. « Mais je pense qu'elle ferait un plus bel effet sur moi. Puisque que tu tiens à ce que je me couvre et que tu refuses d'apprécier la vue je vais prendre ta chemise. »
dit-elle en entreprenant de déboutonner la dite chemise tout en commençant à glousser.

C'était mauvais signe quand elle gloussait - même si c'était plutôt agréable à entendre et que ce n'était en rien comparable aux gloussements de certaines personnes - car cela signifiait qu'elle était vraiment mal à l'aise. Trixie se trouvait dans un de ces rares moments où elle ne se sentait pas en totale confiance. Certes elle adorait prendre des risques et se jeter à corps perdu dans toutes les situations périlleuses mais elle était tellement bourrée de confiance en elle qu'elle avait rarement peur ou bien elle n'avait pas le temps d'avoir peur. Pour Liam c'était différent. Elle jouait avec les cœurs. Liam l'amusait, elle se jouait de lui, le menant par le bout du nez. Mais quand elle pensait à lui elle en avait des papillons dans le ventre et l'esprit qui s'emballait. La célibataire endurcie qu'elle était ne voulait pas l'admettre alors elle l'avait fuit et jusqu'à maintenant elle le repoussait pour ne pas être repoussée. Sauf ce soir où elle se surprit à murmurer « Les règles sont faites pour être enfreintes. » faisant référence à la règle de Liam selon laquelle il n'y avait jamais de deuxième soir.

You give me fever

Elle s'en contrefout et je ne peux m'empêcher de rire doucement. Compter sur Trixie pour balayer d'un revers de main une des plus grandes révolutions de votre existence ! Mais en l'occurrence, ça m'arrange qu'elle n'éprouve aucun intérêt pour mon changement de vie alors je ne vais certainement pas le lui faire remarquer ! J'aurais très mal vécu qu'elle me plante là parce que j'ai changé d'allégeance. Je ne suis absolument pas prêt à la voir disparaitre de mon existence, encore moins pour une raison aussi terre à terre qu'un changement de Cour. D'autant plus que ça m'aurait vraiment choqué qu'elle prenne parti sur le sujet, elle qui se vante sans arrêt de sa neutralité politique !
Si ça réaction m'amuse par son désintéressement absolu, elle me soulage aussi bien plus que je ne l'avais anticipé. Alors je ris, tandis qu'un poids énorme quitte mon estomac.

Un poids qui revient bien rapidement, pourtant, mais c'est un poids qui n'a rien à voir avec le précédent. Je ne suis plus anxieux de la voir me rejeter pour un choix que j'ai fait. Non, cette fois, si mon estomac pèse huit tonnes, c'est à cause des milliers de papillons qui viennent de s'y installer, battant tous des ailes en même temps. Un désir fulgurant me saisit, tandis qu'elle me fixe de son regard charmeur et irrésistible. L'atmosphère a changé si vite que j'en ai presque la tête qui tourne et j'ai du mal à déglutir. Elle me sourit, féline et séductrice, ses mains fines courant sur mon torse tandis qu'elle murmure quelques mots que je peine à comprendre. Je parviens à saisir la touche de plaisanterie et souris une seconde avant que ses doigts ne s'attaquent aux boutons de ma chemise. Je ne peux plus sourire parce que je dois me concentrer pour respirer. Est-ce qu'elle est aussi nerveuse que moi ? Est-ce que j'hallucine en croyant percevoir une touche d'incertitude dans son regard ? Qui suis-je pour faire des commentaires sur ces incertitudes ? Je tremble au moins autant que ses mains et mon souffle hésitant rencontre le sien, brulant contre mon cou.

- Les règles sont faites pour être enfreintes.

Je cligne des yeux un instant, le temps de comprendre ce à quoi elle fait référence puis ses paumes entrent en contact avec la peau de mon ventre. J'inspire brusquement, électrisé par cette simple caresse, une sensation que je n'avais pas ressenti depuis ce qui semble des millénaires et la lumière se fait dans mon esprit. Les règles... mes règles. Quelles règles idiotes ! Je cesse alors de réfléchir, grisé par la chaleur qui se dégage de son corps, la cervelle grillée par l'anticipation de ce que je sais en train d'arriver.
Depuis des mois, j'essaie de tenir mon désir en laisse mais il est clair, alors que sa fine silhouette tremble presque contre mon corps, qu'elle éprouve les mêmes urgences que moi. Alors je balance tous mes doutes, toutes les questions concernant les conséquences, toutes mes incertitudes par la fenêtres. Il n'y a plus que le "ici et maintenant" qui compte.
Mes mains se glissent autour de sa taille et je la presse contre moi tandis que je l'embrasse avec ferveur et l'énergie du désespoir, d'une attente bien trop longue, d'un désir trop longtemps mis à l'écart. Bon sang... Qui aurait cru que ses lèvres m'avaient autant manqué ? Comment avais-je pu oublier son gout parfait sur ma langue ? La douceur de sa peau qui se dévoile sous mes paumes alors que j'arrache sa robe sans même savoir comment ?
Les minutes s'écoulent comme dans un tourbillon et nous nous retrouvons dans ma chambre. Nos corps se découvrent, mon souffle se bloque et mon cœur tape si vite que je me demande comment je vais bien pouvoir survivre aux évènements ? Est-ce l'attente et l'impatience qui me met dans un tel état ? Quelque chose de plus secret ? Tout est si compliqué quand il s'agit de Trixie ! Mais en même temps, tout est aussi merveilleusement simple et je n'ai pas besoin de réfléchir. Mes gestes sont assurés malgré mon sang qui vibre dans mes veines. Je n'ai aucune crainte d'être jugé, je sais que je n'ai rien à prouver, même si elle passe 90% de son temps à se foutre de moi. Il n'y a pas de calculs avec Trixie, tout est vrai, sincère et sans prise de tête. Alors même si je brule d'une émotion que je ne cherche pas à comprendre, je me plonge dans l'instant sans crainte et sans retenue.
C'est doux, c'est beau, c'est fougueux. C'est Trixie, et je me perds dans les sensations délicieuses, dans l'ivresse du moment. Le plaisir coule dans mes veines comme un torrent furieux et j'ai l'étrange impression de vivre quelque chose qui devait arriver. Pour résoudre une tension ? Pour répondre à un ordre obscure de Danu ? Aucune idée, mais alors que je m'écroule à côté d'elle, le coeur battant et le corps en coton, je sais qu'il n'y aura pas de regret, jamais, pas avec elle.
Je glousse un peu, l'esprit encore embourbé d'endorphines et je me presse contre elle, le bras autour de sa taille et la bouche dans son cou, ses cheveux collant à mon visage.

- Rappelle-moi de jeter mes règles à la poubelle, c'était clairement idiot de ne pas avoir recommencé plus tôt !

Et je ris, parce que c'est plus simple, parce que ça me permet d'éviter d'exprimer les émotions bien plus complexes que je ressens alors que je suis allongé près d'elle. Ça fait moins peur de plaisanter que de dire la vérité.

- J'en avais envie depuis longtemps.

Je garde un ton léger, comme si ça n'était pas très important, ça fera moins mal si elle prend tout ça à la rigolade. Mais au moins, j'aurais réussi à exprimer une partie de ce que je ressens. La suite est encore bien mystérieuse, parce que j'ignore ce qu'elle va répondre et parce que j'ignore en partie ce que je voudrais qu'elle me réponde.

Oui, ma relation avec Trixie, elle est très simple et affreusement compliquée !

You give me fever

Trixie tremblait tandis que ses mains caressait la peau de Liam. Elle le regardait droit dans les yeux avec ce regard envoûtant dont elle avait le secret mais cela ne l’empêchait pas de trembler pour autant. La plupart du temps quand elle essuyait un refus, elle s’offusquait quelques minutes qu’une créature de rêve comme elle soit éconduite puis elle haussait les épaules et se remettait en selle aussitôt. Par contre si Liam lui faisait comprendre plus ou moins gentiment qu’il n’avait pas envie, elle risquait de le prendre assez mal. Parce qu’il lui plaisait, vraiment, et qu’elle se mettait en danger ce soir en espérant qu’ils passeraient le reste de la soirée dans les bras l’un de l’autre. Et elle avait encore ces fichus papillons dans le ventre en attendant sa réponse. Elle avait l’impression d’être une gamine de quinze ans qui battait des paupières et soupirait devant un garçon. Pathétique. Elle était si nerveuse qu’elle ne parvenait même pas à apprécier la douceur de sa peau, ni la chaleur de son souffle sur sa joue. A croire qu’elle faisait cela pour la première fois et à la réflexion il s’agissait peut-être d’une première fois, la première fois où cela comptait à ce point. L’attente lui semble durer des siècles avant qu’enfin Liam l’attire contre elle et joigne ses lèvres aux siennes. Elle se sentait si soulagée qu’elle en perdit presque l’équilibre. Quelque part en elle un petit être faisait la danse de la victoire tandis qu’avec un grand sourire elle se laissait aller à ses envies. Elle ne semblait pas pouvoir étancher sa soif.

Est-ce que vous connaissez les montagnes russes ? Tout le monde voit le concept. C’était ce que vivait en ce moment le cœur de Trixie. Il ne cessait d’alterner entre s’arrêter de battre et battre à toute vitesse. Un véritable fou furieux bipolaire. Tant et si bien qu’elle se demandait si elle n’allait pas mourir sur place et elle ne faisait pas mention de la petite mort dont elle faisait l’expérience grâce aux gestes experts de Liam. Elle était suffisamment raffinée pour ne pas faire étalage de sa vie intime, même s’il y aurait beaucoup à dire sur ce que Liam lui faisait et sur ce qu’elle lui faisait et elle commencerait par dire que c’était très très bien. Ils étaient plutôt doués – carrément doués avouons-le – et ils se souvenaient plutôt bien de ce qu’appréciait l’autre. Non si son cœur semblait capable de la lâcher à tout moment c’était pour la simple et bonne raison qu’elle se retrouvait submergée par un flot de sensations et d’émotions qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant. Cette phrase faisait très cliché, nous pouvons l’accorder, mais elle n’en était pas moins réelle. Elle se demandait si c’était cela « être amoureuse ». Il était difficile pour elle de comparer avec quoi que ce soit puisqu’elle n’avait jamais été amoureuse, au mieux elle avait déjà eu un léger béguin qui avait duré quelques mois – ce qui n’était pas beaucoup dans la vie d’une fey millénaire – et la plupart du temps il s’agissait d’attirance physique rien de plus. Elle se sentait toute chose, toute petite et insignifiante face à ce qu’elle ressentait. Et cela la terrifiait.

Sentir le corps de Liam contre le sien, son bras entourant sa taille et ses lèvres au creux de son cou, lui procurait une sensation incroyable et cela parvenait presque à l’apaiser. Elle n’osait pas bouger, comme si elle risquait de tout gâcher, de tout faire disparaître. Mais la plaisanterie de Liam la fit rire malgré elle.

« Moi aussi. » souffla-t-elle en réponse à son aveu.

Elle se sentait un peu plus légère désormais et elle posa sa main sur son bras. Si l’avenir ressemblait à cela, si tous les jours elle pouvait se sentir aussi transportée de joie alors… Alors elle devait tenter quelque chose, tenter sa chance par ce que c’était trop beau pour le laisser filer entre ses doigts.

« Je crois que je pourrais encore en avoir envie pendant un moment. » confessa-t-elle sans quitter des yeux le plafond.

Un très joli plafond ceci-dit, bien peint, bien propre. Elle avait peur. Peur que Liam s’écarte d’elle et lui dise de calmer ses ardeurs parce qu’ils ne partageaient pas le même délire. Peur d’être rejetée et que cette fois cela la blesse profondément. Parce qu’elle se surprit à vouloir que cela dure. Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose mais aucun son ne sortit. Par contre elle avait bien l’impression qu’autre chose voulait sortir. Pitié elle n’allait quand même pas se mettre à pleurer ! Elle inspira longuement puis elle se mit à rire doucement, puisqu’elle riait à chaque fois qu’elle était gênée.

« Pardon c’est la retombée des émotions je crois. » dit-elle en touchant son visage pour s’assurer qu’aucune larme traîtresse n’ait osé se montrer.  « Puisque tu as décidé de jeter tes règles à la poubelle, est-ce que tu crois que tu pourrais faire une exception pour moi et envisager de… Je ne sais pas comment appeler cela. Une sorte de relation… » « Monogame et exclusive pour les siècles à venir ? » « Arrêtes-moi si je commence à aller trop loin s’il te plaît parce que je ne sais pas jusqu’où tu es prêt à me suivre…» « et que j’ai l’impression de m’avancer sur un terrain très glissant toute seule et que je ne sais absolument pas comment tu vas réagir et que j’hésite sérieusement entre fondre en larmes et m’enfuir en courant même si je suis toute nue ou me cramponner à ton cou en hurlant ‘ne me jettes pas s’il te plait’ et aucune option ne me paraît très glorieuse. »

Il fallait qu’elle pense à respirer parce que sinon elle allait réellement avoir un arrêt cardiaque. Elle avait toujours son bras sur celui de Liam mais ses yeux n’avaient pas quitté le plafond. Il était rassurant ce plafond.

You give me fever

J'ai pris l'air désinvolte pour lui ouvrir mon cœur, mais je sens bien que mon corps est raidi dans l'attente de sa réaction. Je ne sais pas à quoi m'attendre et je ne sais pas réellement ce que j'attends, mais ce qui est sûr, c'est que je me sens déjà content qu'elle ne me pousse pas hors de mon propre lit en me traitant de taré trop collant. Elle se réagit pas avec horreur, donc, mais ça n'empêche pas que lorsqu'elle se met à rire, je me crispe et mon estomac se contracte douloureusement. Il faut croire que pour elle, c'était un moment agréable de détente dont elle avait envie, mais rien de plus. Et je vais devoir accepter ça. Ca fait mal, mais je ne peux pas dire que c'est surprenant. Alors je serre les dents et pose mes lèvres sur son épaule, bien décidé à profiter jusqu'au bout de cette nuit. Il sera temps demain - ou dans quelques heures - de panser mes plaies. Sa main sur mon avant-bras est douce, apaisante et j'ai presque envie de repousser ce geste de tendresse qui ne représente pas la même chose pour elle que pour moi. Mais avant que je prenne une décision, sa voix s'élève dans le silence de la chambre.

- Je crois que je pourrais encore en avoir envie pendant un moment.

Quoi pardon ?
Plus que ses mots, c'est le ton de sa voix qui lance mon cœur à toute vitesse. Est-ce que je comprends ce que je suis censé comprendre ? Ou est-ce que je suis complètement à côté de mes bottes et que je prends mes désirs pour des réalités ? Craignant de dire des bêtises, je me tais. Je suis complètement lâche sur ce coup, mais j'ai vraiment peur de demander ce qu'elle veut dire par là et de me prendre une réalité dont je ne veux pas en pleine poire. Sauf qu'elle a manifestement terminé et que le silence s'installe, pas réellement confortable sans être non plus pesant. L'ambiance ne peut jamais être pesante avec Trixie et c'est une des choses que j'aime chez elle. Elle a une capacité incroyable de vivre les choses sans se prendre la tête avec des futilités. Mais il faut croire que ce que nous vivons en cet instant n'est pas futile puisqu'il y a clairement quelque chose de différent dans l'air. Et quand elle recommence à rire, je n'ai plus l'impression qu'elle se fiche de moi. En fait, il y a quelque chose dans son rire qui me serre le cœur et qui me pousse à presser plus encore mon bras autour de sa taille. Ce rire n'est pas joyeux, pas vraiment, et j'ai brusquement envie de la protéger, même si je dois en souffrir en retour. Surtout quand je la sens passer une main sur son visage dans un geste très douteux ! Je recule un peu pour pouvoir la regarder, soudain affreusement inquiet. Qu'est-ce qui se passe, là ? Mon bras toujours plaqué autour de sa taille, je me redresse sur un coude et j'ai donc le regard braqué sur son visage alors qu'elle reprend la parole.
A mesure que les mots quittent ses lèvres, mon souffle se raccourcit et mon rythme cardiaque s'emballe. Est-ce que je rêve ? C'est possible après tout... Peut-être que je suis toujours dans mon joyeux coma post-orgasmique et que ma cervelle me joue des tours. Faire une exception ? Envisager une relation ?
C'est trop beau pour être vrai !

Mais le plus étrange, c'est qu'alors que ces mots merveilleux atteignent mes oreilles, je me rends compte de à quel point j'avais envie de les entendre. Ce qu'elle évoque, j'en ai tellement envie ! Alors qu'il y a une heure, je ne savais même pas que c'était ce que je voulais. Pourtant, alors qu'elle prononce ces quelques phrases avec difficultés, ça sonne comme une évidence ! Oui ! Mais oui ! C'est ça que je veux ! Qu'elle soit une exception ! Qu'elle soit la seule, l'unique !
J'ai du mal à respirer et parler m'est presque impossible tellement la boule dans ma gorge prend de la place. Pourtant... ne pas répondre ? Alors qu'elle exprime les mêmes doutes que ceux qui me rongeaient les entrailles ?

- Tu le penses vraiment ?

Je murmure, comme si j'avais peur qu'en parlant plus fort, ça risquait de briser notre petite bulle. Sauf qu'elle garde toujours son regard rivé au plafond et je me rends compte que nous sommes tous les deux de gros trouillards. Mais pour elle comme pour moi, cette situation est vraiment compliquée ! Une relation ? Une vraie ? Une sérieuse ? Avec des sentiments impliqués et tout le toutim ? C'est le mystère et l'inconnu pour Trixie et moi ! Personne ne peut nous reprocher de gérer ça n'importe comment ! Et même si j'ai conscience de cette maladresse, ça ne m'empêche pas de me sentir fiévreux et désespéré et complètement démuni. J'ai l'impression de trembler sous ma propre peau et je suis terrorisé à l'idée de tout faire foirer avant même que ça ait commencé. Alors je prends une profonde inspiration et récupère ma main qui est sur son ventre pour la remonter vers son visage. Là, je tire un peu pour la forcer à me regarder. On ne peut pas avoir cette conversation sans se regarder, si ?

- C'est vraiment ce que tu veux ? Parce que si c'est une blague...

Je ne suis pas sûr que je me relèverai d'un truc pareil... Pas alors que mon cœur tambourine de cet espoir tout neuf, pas alors que ma tête a déjà commencé à rêver d'un avenir avec elle.  

- J'en ai envie. J'en ai très envie, même. Depuis qu'on s'est retrouvés ici... Je n'arrête pas de penser à toi Trixie. J'ai essayé, mais je n'y arrive pas. Et je déteste tous ces types avec qui tu repars le soir ! J'ai envie d'étriper tous ceux avec qui tu danses, ceux qui te caressent sous mes yeux. Je croyais que c'était un jeu mais je n'ai plus envie de jouer. Je ne veux plus de ces règles, même si c'est les miennes !

Et parce que je suis en train de péter un plomb et je commence à avoir l'air d'un gros psychopathe jaloux, je décide de me taire et de l'embrasser, juste pour ne plus parler et parce que j'en ai terriblement envie.
Une relation ? Oui... Mille fois oui.

You give me fever

« And that was the day that I promised I'd never sing of love if it does not exist but darling you are the only exception. »

Trixie sentit le corps de Liam s’éloigner d’elle et elle retint son souffle en priant les forces de l’univers pour qu’il ne la repousse pas. Pour son plus gros soulagement – du moins pour le moment – il changeait juste de position pour l’observer sous un autre angle. La bonne nouvelle c’était qu’il ne s’était pas enfuit en courant, la mauvaise nouvelle c’était qu’il avait l’air très attentif au moindre de ses mots. Elle espérait avoir prononcer les mots justes pour exprimer ce qu’elle ressentait, ce dont elle avait envie. Maintenant elle ne se sentait plus capable d’ajouter autre chose, du moins pas avant que Liam ne lui donne sa réponse. Et pour toute réponse, il lui demanda si elle le pensait vraiment, si c’était vraiment ce qu’elle désirait, si cela n’était pas une blague. Une blague ? D’accord elle lui avait joué des tours et parfois des vilains tours mais quand même il surestimait sa cruauté là.

« Les feys ne peuvent pas mentir Liam. »

C’était tout ce qu’elle avait trouvé comme réponse. Et son esprit était trop perturbé par l’invasion massive de papillons dans son ventre tandis qu’il posait sa main sur son visage et plongeait son regard dans le sien. Par Danu elle ferait n’importe quoi pour continuer de vivre sous ce regard là. Il y avait tant de choses exprimées dans ses yeux qu’elle en avait le souffle coupé. Elle aimait la manière dont il la regardait. Et elle aimait tout autant les mots qu’il prononçait à cet instant. Jamais elle n’aurait pu concevoir que de telles paroles auraient un effet aussi fulgurant sur elle. Toutes ces déclarations lui paraissaient si cucul la praline. Certes il lui était arrivé de temps à autre d’esquisser un léger sourire de sympathie devant un amour véritable mais cela avait dû se produire trois fois dans sa vie tout au plus. Sauf que maintenant c’était son tour et chaque mot trouvait une résonance en elle. Depuis leurs retrouvailles il n’avait cessé de pensé à elle. Les papillons dans son ventre s’agitaient dans tous les sens et il y avait certainement un feu d’artifice dans sa poitrine à ce moment précis. Une gamine de quinze ans. Mais elle aimait bien cela. Elle voulait bien avoir le cœur qui battait la chamade, des papillons dans le ventre en permanence, le souffle coupé et les jambes en coton si c’était à cause de lui. Tout son corps semblait électrique et chaque baiser, chaque étreinte ne faisait que renforcer cette sensation.

« De quels types est-ce que tu parles ? Il n’y a jamais eu qu’un seul type depuis qu’on s’est revus. » dit-elle avec un grand sourire après qu’il l’ai embrassé avec une passion des plus agréables.

Elle n’avait pas cessé de penser à lui depuis leurs retrouvailles. Elle avait même déjà pensé à lui avant Ellan Vannin, se remémorant quelques souvenirs plaisants et songeant qu’il aurait pu être appréciable de recommencer. Mais elle était loin de se douter qu’un soir en allant au Pulse elle retrouverait Liam et ne voudrait plus le quitter. Pourtant elle avait sérieusement et vigoureusement lutté contre ses sentiments qui lui semblaient au départ une idée toute à fait saugrenue. Mais l’idée avait fait son chemin, elle avait continué de grandir dans un coin de sa tête. Finalement elle l’aimait bien cette idée saugrenue. Même si elle faisait un véritable saut dans l’inconnu et elle avait beau être la reine des têtes brûlées qui fonçait droit vers le danger elle risquait bien plus que quelques cicatrices. Une volonté plus forte, dépassant ses craintes et ses appréhensions, la poussait cependant à tenter sa chance. Et si cela était possible ? Et s’il lui était permis de connaître cette extase pour le restant de ses jours ? Elle devait au moins essayer.
 
« Je ne sais pas exactement où est-ce que cela va nous mener mais si c’est avec toi alors je veux bien tenter l’expérience parce que tu es le seul qui me donne envie d’essayer. »