You give me fever

Elle a beau m'avoir rassuré - à sa façon - sur le fait qu'elle était sincère, je ne peux m'empêcher d'angoisser alors que je l'embrasse. N'ai-je pas été un peu trop loin avec mon monologue de gros stalker ? Est-ce que ma maladresse et mon manque évident d'expérience dans le domaine va lui donner envie de fuir à toutes jambes hors de mon lit et hors de ma vie ? Mais quand je l'embrasse, je ne sens aucune réticence de sa part. Son corps est chaud et tout doux contre le mien mais surtout, sa silhouette reste souple et se presse contre moi. Elle se perd comme moi dans l'échange et je sais alors que, même si j'ai probablement pas mal de progrès à faire, je ne l'ai pas fait fuir. Pas encore, du moins. Parce que soyons honnêtes deux minutes. Les répliques de beau-parleur, je maitrise. La drague pour mettre une femme dans mon lit, je sur-maitrise. Mais garder quelqu'un à qui je tiens ? C'est carrément l'inconnu. Et vu mon passé, je suis en droit d'être complètement terrifié. Parce que jusqu'à maintenant, on ne peut pas dire que j'ai eu beaucoup de chance... En fait, tous ceux que j'ai aimés à un moment ont soit disparu, soit m'ont abandonné ou rejeté. Alors certes, il ne s'agit "que" de ma famille, mais même un Freud de pacotille comprendrait pourquoi je n'ai jamais essayé à m'attacher à qui que ce soit d'autre sur le plan sentimental. Si je ne suis même pas fichu de garder une mère - censé m'aimer sans condition dès le départ - comment suis-je censé garder une compagne ? Bon, il se trouve que Morrigan ne m'avait pas vraiment abandonné, mais Ethel l'a fait, elle, et les cicatrices laissées par ces deux abandons sont profondes, très profondes.
Pourquoi je pense à tout ça alors qu'elle est brulante contre moi ? Alors qu'elle ressent clairement les mêmes choses et que je devrais avoir envie de hurler de joie ? Parce que je suis un idiot aux blessures encore ouvertes, terrifié à l'idée de tout faire foirer une fois de plus... L'embrasser, c'est facile, ça je sais faire - sans compter le fait que c'est vraiment très agréable - mais il faut bien respirer à un moment et je me détache à regret de ses lèvres et la regarde, le souffle court, le corps en feu et l'esprit pris dans un tourbillon.

- De quels types est-ce que tu parles ? Il n’y a jamais eu qu’un seul type depuis qu’on s’est revus.

Je cligne des yeux un instant, un peu perdu, le temps à ma cervelle de raccrocher les wagons et de se souvenir de mes propres mots, un peu plus tôt. Je serre les dents à l'idée de ces autres, de ces fichues autres ! Puis je réalise... Sa voix, ses mots, la douceur de son regard... Il y en a eu d'autres, c'est certains. Tout comme il y a eu d'autres femmes.
Mais alors qu'elle me regarde avec un grand sourire, je comprends. Même si on s'y est pris comme des manches elle et moi, même si nous avons cru jouer à un jeu qui nous prenait à notre propre piège, même si nous avons passé la nuit avec des inconnus oubliés dès les premiers rayons du soleil, cela n'a aucune importance. Parce que finalement, la seule chose à retenir, c'est qu'aucun de ces autres n'a jamais compté. Ces nuits n'étaient que des passe-temps et peut-être, maintenant que j'y pense, une façon pour nous de nous rendre compte. Aurais-je compris combien je tenais à elle sans ce gout désagréable dans ma bouche chaque fois que je la regardais partir avec quelqu'un d'autre ? Aurais-je réalisé à quel point j'aimais la voir rire si je ne l'avais pas vue se moquer gentiment de moi à chacune de mes défaite ? Et aurais-je compris combien je la désirais si je n'avais pas passé tant de nuits auprès de femmes qui ne représentaient rien, pour lesquelles je ne ressentais pas le moindre frisson ?
J'ai envie de l'embrasser encore, de glisser mon nez dans ses cheveux, pour respirer ce parfum que je serai désormais le seul à respirer mais avant que j'aie pu assouvir cette nouvelle envie qui me tord l'estomac, elle me regarde avec un air soudain un peu plus incertain.

- Je ne sais pas exactement où est-ce que cela va nous mener mais si c’est avec toi alors je veux bien tenter l’expérience parce que tu es le seul qui me donne envie d’essayer.

Mon cœur fait une embardée et je me demande un peu ce qui m'arrive. Personne n'a jamais déclenché de telles émotions chez moi. Mes retrouvailles avec Naemesys ou Naeve m'ont bouleversé, bien évidemment, mais ça... Je la regarde et j'ai envie de la serrer contre moi, rien de plus. J'ai juste envie de la sentir, blottie dans mes bras, sans réelle arrière-pensée, avec un désir teinté d'une affection que je n'avais jamais ressentie pour personne.

- Je voudrais bien, moi aussi...

Sauf que...
Est-ce que je peux réellement tenter cette aventure sans me planter complètement ? Et est-ce que je peux réellement me lancer dans une relation avec Trixie sans la prévenir de toutes mes blessures, de toutes mes failles et de toutes les raisons qui pourraient nous envoyer dans le mur ?

- Mais... Je n'ai jamais eu ce genre de relation avec personne. Il y a... des évènements de mon passé. J'ai toujours refusé de m'attacher et ça n'a jamais été trop compliqué. Jusqu'à toi, en fait...

Et voilà que je recommence avec le monologue de psychopathe... Je grogne et plonge mon nez dans ses cheveux, les lèvres sur son épaule, inspirant profondément dans le cas où elle déciderait que finalement, je ne vaux pas tous ses efforts ! Elle ne serait pas la première, après tout...

You give me fever

Une force nouvelle animait son cœur et son corps. L’instant d’avant elle était terrassée par une peur sans nom face à ce qu’elle avait redouté et fuit durant toute son existence. Puis tout avait été balayé par le regard de Liam, par le fait qu’il voulait être avec elle, qu’il n’y avait qu’elle. L’effet qu’il avait sur elle était indéniable. Et pour vivre éternellement sous ce regard, elle était prête à tout affronter. Maintenant elle était déterminée car elle ne regardait jamais en arrière et n’hésitait jamais très longtemps. Ce qu’elle ressentait, ce qu’elle voulait vivre était une nouvelle aventure dans laquelle elle allait se plonger avec la même ardeur et la même fougue que dans les précédentes. Mais elle concevait que cela n’allait pas être aisé car ils ne s’étaient jamais engagés dans une relation de la sorte. Liam ne faisait qu’exprimer à voix haute ce que tous les deux pensaient tout bas. Ils ne s’étaient jamais attachés sur le plan amoureux et honnêtement avec une telle expérience ils pouvaient douter de ne pas parvenir à rester ensemble. Liam ponctua sa phrase avec un grognement avant se plonger la tête dans ses cheveux et de poser ses lèvres contre son épaule. Trixie ferma les yeux et apprécia le contact en silence quelques instants.

« Il est vrai que sur le papier, nous ne sommes pas les candidats idéals. Mais on s’en contrefiche. Ce n’est pas ce qui va nous arrêter, si ? On ne va tout de même pas se mettre nous-mêmes des bâtons dans les roues avant même d’avoir commencé. Moi aussi je me sens un peu démunie face à cette situation parce que c’est tout nouveau mais je crois qu’il faut avoir confiance en nous. C’est une première pour nous deux, il faut bien un début à tout. Cela ne sera peut-être pas facile, peut-être pas parfait mais ce sera nous. »

Pour conclure elle l’attira contre elle et déposa un baiser sur ses lèvres, un autre sur sa joue et un autre dans son cou. Ses doigts glissèrent sur sa peau suivant la forme de ses muscles. Elle refusait de se projeter dans un avenir incertain, craignant déjà d’échouer avant même d’avoir commencer. Cueillir le jour. Vivre l’instant présent. Apprécier la chance qui leur était donnée. Ne pas appréhender et surtout ne pas regarder en arrière. Tout donner. Aimer simplement.  

Elle n’avait jamais voulu aimer auparavant. Trouver l’amour ne l’intéressait pas, ressentir les frissons de la passion ne lui effleurait que quelques fois l’esprit. Très rarement elle s’était surprise à se demander si un jour elle rencontrerait ce prince aussi beau que l’amour, un blond lumineux et respirant la joie de vivre évoqué par Opale il y avait bien longtemps quand les deux sœurs aimaient se retrouver pour interroger les osselets. Opale lui avait prédit qu’elle rencontrerait le Grand Amour et à l’époque elle n’avait aucune raison de contester les dons de voyance de sa cadette. Puis elle avait repoussé ce souvenir dans un recoin de sa mémoire ce qui ne l’empêchait d’y songer de temps à autre. Opale avait peut-être menti après tout, parce qu’elle ne supportait pas de la voir perdre son temps avec des filles et que tout ce qu’elle voulait c’était voir son aînée devenir mère. Quoiqu’il en soit Trixie ne voulait rien savoir. Ce qui comptait c’était être avec Liam.

« Est-ce que tu savais que Trixie n’était pas mon nom de naissance ? Mes parents m’avaient prénommé Ambre. » confia-t-elle avec un sourire amusé.

You give me fever

Après mon petit aveu, Trixie reste silencieuse et pendant quelques secondes oppressantes, je crains d'avoir brisé dans l'oeuf notre fragile relation. Je crains, oui, mais le fait qu'elle reste blottie contre moi, qu'elle ne cherche pas à se soustraire à mon étreinte me laisse espérer qu'elle prend juste le temps de réfléchir, d'assimiler cette nouvelle information.
Il s'avère que cet espoir était légitime puisqu'après un instant, elle reprend la parole et ses propos me font sourire, un sourire sans joie malgré la douceur du moment. Sans s'en rendre compte, elle met en lumière tout ce qui me caractérise et dont je ne suis pas fier... Abandonner ? Baisser les bras ? Ne pas m'autoriser à y croire parce que j'ai déjà trop souffert ? Refuser de prendre le risque d'être heureux parce que la chute serait trop dure ? Une attitude que je n'ai jamais eue dans un contexte romantique mais soyons honnêtes un instant... Si la situation s'était présentée, j'aurais tourné le dos à l'histoire avant même qu'elle ait pu naitre parce que mes antécédents sont trop sombres, mes plaies trop profondes. Oui, j'aurais renoncé sans essayer.
Pourtant... Avec elle, alors qu'elle est là, brulante contre moi, à envoyer bouler les conventions et les difficultés qui vont clairement se dresser sur notre route, j'ai envie d'y croire. J'ai envie d'essayer. Pour Trixie, je veux bien ne plus être celui que j'ai été chaque fois qu'il a fallu prendre un risque émotionnel. J'ai été blessé, je le suis encore dans une certaine mesure. Et par Danu... je crains de l'être encore, de ne pas pouvoir me relever d'un nouveau coup du sort. Mais pour elle, je veux bien affronter les tourments qui nous attendent, quels qu'ils soient.
C'est donc avec un courage tout neuf et une volonté sans faille que je réponds à ses baisers. Je frissonne sous ses caresses et la serre plus fort encore contre moi, puisant dans sa chaleur la force qui me sera nécessaire pour survivre à cette nouvelle aventure. Je me suis toujours considéré comme un guerrier et sur les champs de bataille, la peur ne m'a jamais étreint. Pourtant, alors que mon cœur est en jeu, je me sens plus faible et plus trouillard que le dernier des couards... Mais peut-être avais-je juste besoin de la bonne personne ? D'une bonne raison pour prendre mon courage à deux mains ? Je n'aurais jamais pensé que Trixie serait celle-là mais Danu a parfois des idées bien étranges, pour ses enfants. N'a-t-elle pas mis Trixie sur ma route à de nombreuses reprises, là où je ne l'attendais pas ? Trixie, qui m'agace autant qu'elle me fait rire, que j'ai envie de cogner autant que j'ai envie de l'étreindre, et que je n'ai jamais pu oublier malgré mes efforts et les très nombreuses conquêtes que j'ai entrainées dans mon lit. La Déesse a toujours eu une façon bien étonnante de me montrer son affection. Trixie n'était certainement pas celle que j'avais attendue mais la réalité est là : avec la jeune femme dans mes bras, je me sens presque invulnérable, prêt à combattre le monde qui se dressera contre nous.
Alors que je retombe doucement dans une agréable torpeur, elle reprend la parole et je hausse un sourcil, un peu déstabilisé par ses propos sans transition. Je souris, pourtant, parce que les pensées de Trixie suivent toujours une route difficile à suivre pour les autres et c'est une des choses qui la rendent si intéressante. Avec Trixie, jamais d'ennui !

- Ambre ? C'est joli. Ca me plait aussi. Est-ce qu'il y a des personnes qui t'appellent encore par ce nom ?

Une question qui montre combien il me reste à découvrir sur cette femme. Je suis sûr des sentiments qu'elle m'inspire mais je ne sais rien d'elle, tout bien considéré. Et la réciproque est tout aussi vraie. Ce qui est un peu effrayant, quand on sait le passé que je traine derrière moi...

- La femme qui m'a élevé m'a nommé Kean. Mais je ne saurai jamais comment m'a mère m'aurait appelé si elle avait pu le faire. L'histoire de ma naissance est un peu compliquée. Ma famille est affreusement compliquée... Un jour, il faudra que je te raconte.

Mais pas aujourd'hui. Pas alors que nous avons juste commencé à mettre des mots sur les émotions que nous partageons. Pas alors que savoir pourrait la faire fuir loin, très loin, malgré ses belles intentions.

- Parle-moi de ta famille.

Un sujet que j'espère plus serein que le sujet de la mienne...

You give me fever

Trixie était passée du coq à l’âne et avait certainement dérouté Liam mais en vérité elle en avait assez de tergiverser sur la difficulté de s’engager et sur leurs appréhensions mutuelles. Savoir que Liam tenait à elle et qu’ils voulaient être ensemble était une sensation trop agréable et elle voulait l’apprécier pleinement.  Elle était si grisée par la nouvelle qu’elle en avait la chair de poule. Bon sang elle était amoureuse ! Honnêtement elle n’aurait jamais pensé que cela lui arriverait même si parfois elle pouvait y songer à de rares occasions, une poignée de secondes une fois tous les cinq ans ou quelque chose dans ces eaux là.

« Ambre ? C'est joli. Ca me plait aussi. Est-ce qu'il y a des personnes qui t'appellent encore par ce nom ? » demanda Liam.

« Ma famille certainement.  » répondit-elle avec une moue dubitative.

Pour eux elle sera toujours Ambre et elle pouvait le comprendre. C’était le prénom que ses parents avaient choisi pour elle, celui qu’ils avaient prononcé durant toute sa jeunesse et celui qu’ils murmuraient sans doute en se demandant où elle pouvait se trouver. Tous les membres de sa famille et ceux de sa tribu la connaissaient sous le nom d’Ambre. Peu importait ce qu’elle avait pu vivre, l’expérience qu’elle avait acquise au cours de toutes ces années, aux yeux des siens elle serait toujours la petite fille qu’ils avaient connu, Ambre la désirée, Ambre la petite aventurière qui partait sans prévenir personne, Ambre la chipie qui menait son monde par le bout du nez. Elle acceptait cela, elle-même voyait toujours ses frères et sœurs comme les jeunes enfants qu’elle avait vu naître et grandir. Si une de ses sœurs ou de ses frères revenait d’un voyage au bout du monde et se faisait appeler par un autre nom, elle lui flanquerait sans doute une claque en le traitant d’imbécile. Un comportement qu’on n’oserait pas lui reprocher grâce à son statut d’aîné mais qu’aucun ne ses cadets n’avaient pu se permettre à l’époque pas même Opale qui se prenait pour la grande sœur raisonnable ou leur mère par intérim.

Trixie écouta Liam évoquer brièvement sa naissance, la femme qui l’avait élevé mais qui n’était pas sa mère et la complexité de sa famille. Il lui promit d’en parler plus longuement un jour prochain. Trixie ne dit rien, elle respecta son besoin de rester discret sur le sujet. Chaque famille possédait ses secrets et ses sujets douloureux, certaines plus que d’autres. Elle pressentait une histoire compliquée et douloureuse sans doute en lien avec son changement d’allégeance. Il devait s’être passé quelque chose de véritablement important et bouleversant dans la vie de Liam pour que le sidhe seelie qu’il était se retrouve désormais chez les unseelies. Elle ne pouvait que supposer, imaginer ce qu’il avait pu ressentir et cette simple idée qu’il ai pu souffrir lui brisait le cœur.

« Kean c’est joli aussi. » se contenta-t-elle de dire mais l’étreinte qu’elle lui donna à ce moment là transmettait toute sa sympathie et sa compassion silencieuse. C’était un geste qui voulait dire qu’elle comprenait, qu’elle était présente pour lui, qu’elle ne le jugeait pas et qu’il parlerait quand il serait prêt.

Il voulait qu’elle lui parle de sa famille. Elle roula des yeux et fit la moue en soupirant avant de rire. Il espérait sans doute que le sujet serait plus facile à aborder – et il l’était certainement en comparaison avec sa propre famille – mais il ne se doutait certainement pas de la complexité des sentiments de Trixie vis-à-vis des siens.

« Ma famille est … pffff ! Elle est du genre très fière de son histoire, de sa culture, de ses coutumes. Nous sommes une très grande famille avec beaucoup de cousins éloignés mais le noyau a vécu en France. Ma mère est plutôt droite dans ses bottes, très à cheval sur les bonnes manières et sur l’éducation de ses enfants. Mon père est plutôt le papa gâteau, le plus conciliant. Je suis l’aînée d’une fratrie nombreuses, beaucoup de frères et sœurs et tous rouquins. Nous avons tous des noms de gemmes. Il y a Opale qui est une sacrée rabat-joie, une mademoiselle je-sais-tout, très belle, très intelligente. Il y a aussi Béryl dont j’étais extrêmement proche mais un jour il a rencontré son Grand Amour et notre lien n’a plus été le même. Je lui en ai beaucoup voulu à l’époque, je le trouvais stupide de préférer une inconnue à sa famille. Et pourtant j’ai fait bien pire. Je les ai tous quitté pour vivre mes propres aventures. Je ne donnais pas de nouvelles ou si peu. La dernière fois que je les ai revus c’était pour le chaudron de Dagda et ce jour là j’ai renoncé à retourner vivre parmi eux. C’était trop difficile, cela aurait été comme un retour en arrière, une sorte de régression. J’avais le sentiment de ne pas avoir d’avenir avec eux. J’ai préféré suivre ma nouvelle famille, Keagan et Edmund. Ils sont restés en France je crois, je ne sais pas ce qu’il est advenu d’eux par la suite, j’ignore même s’ils sont venus sur l’île ou s’ils ont choisi de rester.  »

You give me fever

Je ne me sens vraiment bien, à l'idée de parler de ma famille, parce que je n'ai pas envie de les évoquer maintenant et parce que je sais qu'il faudra bien que je le fasse un jour. Et ça ne sera pas beau, comme conversation. La perspective d'avoir à lui raconter tout ce merdier ne m'emballe pas du tout ! Mais il le faudra, et bientôt, parce qu'elle doit savoir. Elle a le droit de savoir dans quoi elle s'engage, si elle souhaite partager un bout - un gros, j'espère - de sa vie avec moi. Mais le plus tard de bientôt sera le mieux et je lui suis infiniment reconnaissant de ne pas rebondir sur le sujet de répondre à ma question, plutôt, en respectant mes non-dits. C'est presque amusant parce que d'habitude, Trixie est du genre à foncer tête baissée, sans trop s'embarrasser de subtilité ! Pourtant, cette fois, elle fait preuve de finesse et je réalise qu'il y a encore de nombreuses facettes de sa personnalité que j'ignore encore. Alors quand elle commence à me parler des siens, je la presse un peu plus contre moi.

Et bien m'en prend parce que même si son histoire est un peu moins torturée que la mienne, elle n'en est pas moins triste, par certains aspects. En tous cas, c'est comme ça que je le ressens parce qu'elle a l'air de s'être isolée de sa famille et selon mes critères, c'est triste. Mais nous n'avons pas le même background alors peut-être que c'est moins sensible, pour elle. A moins qu'elle le cache bien.

- Je n'ai qu'une sœur et je ne l'ai vraiment rencontrée que quelques mois plus tôt. Je suis trop heureux de l'avoir pour imaginer lui en vouloir, quoi qu'elle puisse faire, mais je suppose que nos deux histoires sont trop différentes pour comparer. Mais un Grand Amour me semble une bonne raison pour mettre sa famille au second plan. Enfin... je crois. Je n'aurais certainement pas dit ça il y a quelques temps, alors que je désirais tellement retrouver les miens, mais maintenant...

Maintenant qu'elle m'a avoué des sentiments que je partage.
Maintenant que j'ai du mal à croire que le destin n'a pas mis son nez dans notre histoire...
Oui, maintenant, pour Trixie, je pense que je pourrais tenir tête à ma famille, même si j'ai désespérément voulu me faire accepter d'eux. Pour elle, je pourrais renoncer à tout ce que j'ai toujours voulu.
Mais elle n'a peut-être pas besoin d'aller si loin, elle...

- Et si tu les retrouvais ici ? Je veux dire... Tu as ta vie ici désormais, ils ne peuvent plus t'entrainer je ne sais où. Tu voudrais les revoir ? Est-ce qu'ils te manquent ?

J'ai du mal à imaginer qu'ils puissent ne pas lui manquer mais cette fois encore, je ne suis pas dans sa tête et je ne connais pas leurs relations...

- Qu'est-ce qu'ils penseraient de nous, tu crois ?

Parce que moi, j'ai de gros doutes sur ce que ma famille va en penser et ça risque de pas être beau à voir...

You give me fever

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Trixie écouta Liam parler de sa sœur et de leur récente rencontre. Grâce à cette information elle pouvait entrevoir la complexité de la situation du sidhe et elle songea qu’il devait être déroutant de se découvrir une sœur. D’ordinaire on grandissait avec une sœur, on pouvait même dire qu’on la connaissait depuis toujours mais pas que l’on venait de la rencontrer. Elle ne savait que peu de choses sur la vie que Liam avait menée et si à ses yeux cela n’avait aucune importance et ne changeait pas ses sentiments, elle savait qu’un jour ils se confieraient l’un à l’autre sur leur vécu. Elle ne se souvenait plus combien de temps et de confidences avaient été nécessaires pour qu’ils aient la sensation de se connaître, de pouvoir se fier à l’autre et d’appartenir à une même famille. Ils avaient conservé quelques secrets bien sûr. Edmund ne parlait jamais des premiers siècles de son existence et il n’en parlerait sans doute jamais même à la seule famille qu’il avait. Keagan gardait le silence sur ses années d’errance après la guerre. Les appréhensions furent rapidement balayées, aussi vite qu’elles étaient venues. Trixie vivait au jour le jour, savourant l’instant présent, elle n’allait pas se perdre en conjectures plus longtemps. Carpe diem. Cueille le jour.
Quand Liam lui demanda ce qu’elle ferait si elle retrouvait sa famille et si elle lui manquait elle garda le silence quelques instants.
« Oui ils me manquent. » avoua-t-elle en se surprenant à sourire. Elle avait l’habitude de penser à eux comme à un passé révolu, au doux souvenir de l’enfance qui était perdu. Il était inenvisageable de revenir, elle avait tiré un trait sur cette vie. Lorsqu’elle avait pris la décision de partir elle répondait à un besoin vital, l’impression d’être emprisonnée était si forte qu’elle devait partir. Elle n’aurait pas supporté d’avantage que sa vie se résume à leur petit village et que la seule aventure exaltante soit de chaparder du fromage dans la ferme humaine la plus proche. Il lui fallait plus, tellement plus. Elle voulait trembler chaque jour de peur et d’excitation, frôler le danger, vivre comme si ce jour était le dernier et que dans son dernier souffle elle puisse dire « J’ai vécu ». Carpe diem. Cueille le jour. Le fait de vivre une éternité n’était pas une raison de prendre son temps mais au contraire de vivre intensément et même plusieurs vies dans une seule existence. Mais tant d’années s’étaient écoulées depuis et ils étaient si peu nombreux. Les derniers de son peuple. Les dernières fées des dents.
« Je les aime, c’est juste qu’on ne se comprend pas. Peut-être que le temps est venu de se réconcilier après tout. Nous sommes trop peu nombreux pour garder des griefs, surtout envers sa famille.»
« Nous vivons peut-être nos derniers instants. » La faërie semblait à l’agonie et le monde en dehors de l’île était si menaçant que Trixie se demandait si leur univers n’avançait pas vers sa perte. Tout ceci n’était peut-être que le calme avant la tempête, avant la fin de leur race. Elle voulait croire qu’Ellan Vannin était leur refuge, un nouveau paradis qui leur permettrait de vivre heureux et en paix mais parfois la peur prenait le dessus. Elle était prête à cogner un par un chaque mortel qui oserait les attaquer ou n’importe quel formoire dégoûtant qui viendrait troubler leur tranquillité mais ses poings ne pouvaient rien contre le propre déclin de son peuple. Pourtant même si la mort les attendait demain Trixie utiliserait jusqu’à son dernier souffle pour laisser éclater sa bonne humeur.  
« Qu’est-ce que ma famille penserait de nous ? Ho elle serait ravie de savoir que j’ai enfin décidé de me poser. Ils étaient plutôt inquiets à ce sujet. » dit-elle en riant.
Elle pourrait lui retourner la question mais elle ne le ferait pas. Parce qu’elle savait que cela ne serait pas agréable pour lui d’en parler et aussi parce qu’elle se doutait que la réponse ne lui plairait pas. Les sidhes et leur très haute idée d’eux-mêmes… Elle ne s’attarderait pas dessus et préférait se concentrer sur la vue qui s’offrait à elle. Et la vue était à couper le souffle. Trixie avait du mal à croire qu’il était là juste pour elle, sa peau contre sa peau. Les mots qu’il avait prononcé résonnaient encore à ses oreilles comme la plus douce des mélodies. Il l’aimait. Elle se sentait toute drôle à cette idée, comme si elle était aussi légère qu’une plume emportée par le vent. A chaque fois qu’elle posait les yeux sur lui c’était comme la première fois, la même sensation indescriptible qui la faisait chavirer et qui lui faisait oublier tout le reste. Trixie se blottie tout contre Liam et déposa un baiser dans le creux de son cou.